À quoi mesurer que la vie est belle ?

 

David Hulme :  Comment l’Amérique et l’Europe sont-elles comparables en termes de qualité de vie ?

Jeremy Rifkin :  Si on estime le Rêve américain en termes de mobilité sociale, nous étions les premiers au monde pour la mobilité ascendante jusqu’à la fin des années 1960. Actuellement, nous sommes les 24èmes pour l’inégalité de la distribution des revenus entre riches et pauvres au sein de l’OCDE ; seuls le Mexique et la Russie arrivent après nous. Les pays les plus développés d’Europe se placent dans les tranches supérieures quand il s’agit de répartition des revenus entre les nantis et les démunis. Les Américains seraient horrifiés.

Tous les pays européens ont un taux de mortalité infantile plus faible. L’espérance de vie aux États-Unis est plus basse d’une année par rapport à l’Europe des quinze, alors qu’elle est quasi équivalente si on ajoute les 10 nouvelles nations de l’U.E. Là encore, ce serait stupéfiant pour la plupart des Américains.

Nous avons moins de médecins par habitant.

Douze pays d’Europe affichent aujourd’hui un meilleur niveau en mathématiques et huit de meilleures connaissances scientifiques. Dans les pays les plus développés, l’Européen moyen a étudié une année supplémentaire par rapport à nous. Nous restons néanmoins plus performants dans l’enseignement supérieur, nos universités étant meilleures.

Lorsqu’on parle de sécurité, nous affichons quatre fois plus d’homicides ; les suicides et homicides chez les mineurs dépassent les chiffres de tous les pays européens cumulés. Notre population carcérale est bien plus nombreuses : chez eux, on compte 87 prisonniers pour 100 000 habitants, chez nous, on en compte 685.

Les villes européennes sont moins étendues. On y trouve un plan plus élaboré d’aménagement social. Le trajet journalier d’un Européen pour se rendre au travail ne prend en moyenne que 20 minutes.

Pour finir, il y a le travail et les loisirs. L’Américain moyen dispose d’un congé normal de deux semaines, même si celui-ci n’est pas encore obligatoire. Les Européens peuvent atteindre une moyenne de 10 semaines de vacances avec des congés supplémentaires en cours d’année. En revanche, nous sommes payés 29 % plus cher. Si on évalue « la belle vie » en fonction des revenus, nous sommes 29 % plus riches. Mais si on la mesure par le temps libre, nous avons peut-être deux semaines annuelles de congés, mais les Européens disposent en moyenne de bien davantage.