La science du cerveau change d’état d’esprit

Pendant des années, les chercheurs ont pensé que le cerveau nous arrivait précâblé ; or, de nouvelles découvertes suggèrent le contraire.

« Désir n’est pas volonté. » « Un renard change de poil, mais non de nature. » « Qui veut la fin, veut les moyens. » Il existe bien des façons d’exprimer les idées courantes sur la facilité ou la difficulté de changer durablement d’opinion.

Si nous voulons changer de résolution ou d’avis, la volonté s’inscrit dans le cadre conceptuel auquel nous faisons appel pour expliquer comment notre processus décisionnel est affecté par nos raisonnements individuels et personnels. À moins d’être convaincus que toute chose est prédéterminée dans la vie humaine, nous devons reconnaître que l’humanité bénéficie d’un fonctionnement moral libre. Nous ne sommes irréversiblement programmés ni par nos gènes ni par notre environnement initial ; nous pouvons procéder à des transformations dans notre existence, grâce à une réflexion consciente et voulue poussant à l’action. La manière dont ce processus se traduit dans la structure physique du cerveau n’est connue que depuis peu.

Nous ne sommes irréversiblement programmés ni par nos gènes ni par notre environnement initial ; nous pouvons procéder à des transformations dans notre existence, grâce à une réflexion consciente et voulue poussant à l’action.

Pendant des années, les chercheurs ont pensé que le cerveau nous arrivait précâblé : le développement de celui-ci, à partir de la naissance puis au cours de l’adolescence, résultait d’un déploiement progressif de son potentiel déjà présent et, à l’âge adulte, il était définitivement figé. Or, de récentes découvertes montrent que les circuits neuronaux s’installent au fur et à mesure que l’individu se développe et peuvent être reconnectés par la pensée consciente (cf. Fusion de l’esprit et de la matière). En d’autres termes, nous pouvons infléchir nos schémas de pensée et de comportement par notre propre volonté auto-induite. La preuve est observable dans les modifications physiques qui s’opèrent dans les cheminements neuronaux du cerveau. Ces nouveaux circuits peuvent devenir définitifs et remplacer les réseaux antérieurs.

La capacité du cerveau à se reconnecter s’appelle la neuroplasticité. Des éléments de ce phénomène ont émergé de travaux sur les victimes d’accidents cérébrovasculaires et de troubles obsessionnels compulsifs (TOC). De toute évidence, il était possible de rééduquer certains patients dont des parties du système neural avaient été endommagées par une hémorragie cérébrale au point d’empêcher qu’ils effectuent des tâches particulières. Leurs circuits cérébraux se reconnectaient en contournant le problème. Cela a exigé un entraînement intensif, mais a produit des changements positifs et permanents. Ceux qui étaient atteints de TOC (avoir un besoin irrépressible de se laver les mains par crainte des microbes, par exemple) ont été soulagés d’apprendre qu’une partie de leur réseau neuronal était à l’origine du problème. Ils se sont exercés à la technique permettant de recourir à leur libre arbitre auto-induit pour reconnecter leur circuit défectueux (cf. Quatre pas de géant pour l’humanité).

Il va sans dire que des avancées similaires sont nécessaires pour sortir d’autres impasses mentales ou comportementales. Les dernières découvertes ont des implications profondes dans l’amélioration de situations humaines particulièrement difficiles et délicates, comme la dépression mais aussi les accoutumances de toutes sortes, voire même des blocages relationnels nationaux et internationaux de longue date. Les personnes qui vivent de graves dépressions peuvent avantageusement entreprendre le Programme en quatre phases qui leur permet d’apprendre à reconnaître ce qui se passe à l’intérieur de leur cerveau et à agir de façon adéquate, délibérée ou auto-induite. D’après d’autres constatations, il est possible d’utiliser la volonté auto-induite pour interrompre une réaction sexuelle chez ceux qui sont obsédés par la pornographie.

Les lecteurs habituels de Vision ne seront pas étonnés d’apprendre qu’il existe un parallèle spirituel à ces conclusions récentes. Que des principes immatériels puissent sous-tendre une mutation physique au niveau du cerveau, voilà qui est manifeste si nous considérons le verbe shub en hébreu ancien, c’est-à-dire « (re)tourner ». L’une de ses autres significations premières est de se repentir devant Dieu de mauvaises actions en se détournant du mal. Le mot associe deux facettes du repentir : se détourner du mal et se tourner vers le bien. Autrement dit, nous revenons sur nos pas pour retrouver le bon chemin. Le mal peut se définir très largement, comme tout ce qui détériore notre lien avec Dieu ou l’homme (y compris nous-même). Plus précisément, les activités de notre cerveau et de notre corps qui portent préjudice à nous-mêmes, mais aussi à ceux qui nous entourent et à notre relation avec Dieu, entrent dans la définition du mal et doivent être remplacées d’abord au niveau de l’esprit, en ayant recours à la volonté de faire le bien. Dans le cas des Israélites de l’antiquité, Dieu a voulu qu’ils transforment leurs habitudes en changeant premièrement d’état d’esprit. Le dictionnaire Theological Wordbook of the Old Testament explique que, « en se retournant – un pouvoir offert par Dieu – un pécheur peut réorienter son destin ». Autrement dit, le péché peut être surmonté grâce à une évolution au niveau spirituel conscient si la volonté entre en action. Lorsque les réseaux neuronaux ne sont pas connectés correctement, suite à une lésion ou à un choix délibéré, le dommage se crée. Le changement, ou la reconnexion, est la seule façon de progresser, la seule voie vers la guérison, tant physique que spirituelle.

L’équivalent de shub dans le Nouveau Testament est le verbe grec metanoeo. Il couvre l’idée de changer d’état d’esprit, ou d’atteindre un nouveau mode de réflexion. Ce que nous n’avions pas compris jusqu’à ces derniers temps, c’est le rôle du cerveau physique dans ce processus. Une fois la volonté de changer déclenchée, et certaines mesures prises, des cheminements neuronaux se créent, entraînant des attitudes et des comportements nouveaux. Plus nous agissons de cette façon, plus durable devient le comportement. Nous avons déjà reçu quelques clés concernant la reconnexion du cerveau et notre façon d’agir : on assure généralement qu’il faut trois semaines pour rompre avec une habitude et en inculquer une nouvelle. Nous savons également que, si nous agissons régulièrement de manière préjudiciable ou injuste, notre conscience s’endurcit, laissant le mal nous gagner. Face aux problèmes de l’humanité – aussi variés que le trouble obsessionnel compulsif, les mauvaises habitudes, les préjugés raciaux, les crimes haineux, la dépression, la brutalité, l’exploitation d’autrui – l’issue ne peut être qu’un changement fondamental d’état d’esprit. Les Écritures judéo-chrétiennes nous rappellent ce principe au fil des pages.

Comme nous l’avons vu, cette tradition parle du repentir comme d’une introspection et d’une modification de notre façon de faire afin que le changement soit durable. Si l’on en croit Jeffrey Schwartz, chercheur en neurosciences, sa technique thérapeutique pour traiter les TOC s’apparente au concept biblique du repentir : « C’est une reformulation de ce que je dis ! C’est un repentir dans sa compréhension exacte ! ». Toutefois, il admet parallèlement que l’idée de repentir n’est pas dans l’air du temps, alors qu’elle le devrait. « Il nous est impossible d’établir des relation de confiance avec autrui sans reconnaître nos erreurs, sans nous montrer sincères, » explique-t-il. « De plus, le repentir n’est, au fond, qu’une forme de sincérité qui consiste à dire : "Je réalise que j’ai fait des erreurs. Je ne suis pas parfait. Il y a des choses que je pourrais essayer de faire mieux" ».

En appliquant ce genre de raisonnement à la multitude de problèmes auxquels est confronté le monde que nous habitons, nous pourrions provoquer bien des transformations. Un changement d’état d’esprit général, c’est ce qu’il nous faut. Et qui veut la fin, veut les moyens.