Paroles d’espoir

Le langage de Martin Luther King et le mouvement pour les droits civiques

Lorsqu’on vit dans un pays de tradition démocratique, les libertés individuelles accordées par un gouvernement peuvent paraître des évidences. Pourtant, ces libertés n’ont pas toujours été équitablement accordées. Dans le monde entier, le XXe siècle a connu plusieurs luttes visant à corriger ces inégalités. En Afrique du Sud, le système de ségrégation raciale, l’apartheid, a pris fin. Les peuples aborigènes d’Australie se sont vu octroyer de pleins droits de citoyenneté. En Inde, la discrimination contre les « intouchables », basée sur le système des castes, est devenue hors-la-loi, du moins en théorie. Ces mouvements, et d’autres du même ordre, sont issus d’importantes campagnes menées dans le but de mettre un terme à des décennies de pratiques discriminatoires.

L’Amérique fut aussi le terrain de tels combats. Le mois de juillet 2014 marque le 50e anniversaire de l’adoption et de la signature du Civil Rights Act (loi sur les droits civiques) qui allait transformer la vie des Afro-Américains des États du Sud.

Jusqu’en 1964, s’exerçait un système de ségrégation oppressif, dont les pratiques dites « Jim Crow » qui tenaient leur nom d’un artiste blanc du XIXe siècle déguisé en Noir, dont l’imitation avait fini par être associée à des méthodes ségrégationnistes. Ce régime refusait à beaucoup d’Afro-Américains l’accès à un grand nombre d’établissements et de services publics « réservés aux Blancs », notamment à une éducation de qualité et au droit de vote.

Les lois Jim Crow créèrent aussi un système de classe qui faisait des Afro-Américains des êtres inférieurs, supposés se comporter avec déférence vis-à-vis de la société blanche, et conditionnés dans ce but. On peut considérer qu’au mieux, ce système constituait une souillure déshumanisante sur le pays et qu’au pire, il était monstrueux puisqu’il tolérait tabassages, attentats à la bombe, incendies et lynchages. Le Treizième Amendement à la Constitution américaine avait aboli l’esclavage physique un siècle plus tôt, mais l’asservissement économique, affectif et social perdurait. La loi sur les droits civiques interdit la ségrégation dans les lieux publics et mit fin, au moins aux yeux de la loi, à la discrimination raciale dans le travail et l’éducation.

Une phase de changement dynamique se déroula sur dix ans à partir de 1954, avec la décision de la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Brown v. Board of Education, qui transforma le principe d’une éducation ségréguée en entités « séparées mais égales ». L’éducation séparée n’a jamais apporté l’égalité. Dans tout le Sud, les conseils d’établissement et les assemblées législatives avaient pour consigne de fournir des opportunités égales d’enseignement par le biais de classes intégrées « avec toute la célérité voulue ». Toutefois, au lieu de participer à la solution, « toute la célérité voulue » est rapidement devenue « se hâter lentement », tandis que les plans de mise en conformité des États se déployaient à un rythme quasi paralysant.

Une résolution progressive reflétait la démarche générale de la National Association for the Advancement of Colored People (Association nationale pour la promotion des gens de couleur), qui réclamait le changement par le processus législatif et juridique. Comme les efforts en vue d’une réforme des droits civiques produisaient peu de résultats, l’atmosphère dans le Sud commença à se retourner contre cette approche modérée. Beaucoup, après avoir combattu dans une guerre mondiale pour les valeurs démocratiques et les libertés, trouvèrent difficile de tempérer leur souhait de démocratie dans leur propre pays. De même, avec l’accélération de l’urbanisation et de la migration vers des villes du Sud, les Afro-Américains cherchèrent à accéder à de meilleurs emplois, de meilleurs logements et des droits civiques fondamentaux.

Pendant la décennie qui suivit, le mouvement américain pour les droits civiques allait être inextricablement lié à l’histoire d’un homme qui, par son rôle crucial et ses paroles marquantes, contribua à mobiliser un peuple en quête d’égalité raciale.

Lorsqu’on vit dans un pays de tradition démocratique, les libertés individuelles accordées par un gouvernement peuvent paraître des évidences. Pourtant, ces libertés n’ont pas toujours été équitablement accordées. Dans le monde entier, le XXe siècle a connu plusieurs luttes visant à corriger ces inégalités. En Afrique du Sud, le système de ségrégation raciale, l’apartheid, a pris fin. Les peuples aborigènes d’Australie se sont vu octroyer de pleins droits de citoyenneté. En Inde, la discrimination contre les « intouchables », basée sur le système des castes, est devenue hors-la-loi, du moins en théorie. Ces mouvements, et d’autres du même ordre, sont issus d’importantes campagnes menées dans le but de mettre un terme à des décennies de pratiques discriminatoires.

L’Amérique fut aussi le terrain de tels combats. Le mois de juillet 2014 marque le 50e anniversaire de l’adoption et de la signature du Civil Rights Act (loi sur les droits civiques) qui allait transformer la vie des Afro-Américains des États du Sud.

Jusqu’en 1964, s’exerçait un système de ségrégation oppressif, dont les pratiques dites « Jim Crow » qui tenaient leur nom d’un artiste blanc du XIXe siècle déguisé en Noir, dont l’imitation avait fini par être associée à des méthodes ségrégationnistes. Ce régime refusait à beaucoup d’Afro-Américains l’accès à un grand nombre d’établissements et de services publics « réservés aux Blancs », notamment à une éducation de qualité et au droit de vote.

Les lois Jim Crow créèrent aussi un système de classe qui faisait des Afro-Américains des êtres inférieurs, supposés se comporter avec déférence vis-à-vis de la société blanche, et conditionnés dans ce but. On peut considérer qu’au mieux, ce système constituait une souillure déshumanisante sur le pays et qu’au pire, il était monstrueux puisqu’il tolérait tabassages, attentats à la bombe, incendies et lynchages. Le Treizième Amendement à la Constitution américaine avait aboli l’esclavage physique un siècle plus tôt, mais l’asservissement économique, affectif et social perdurait. La loi sur les droits civiques interdit la ségrégation dans les lieux publics et mit fin, au moins aux yeux de la loi, à la discrimination raciale dans le travail et l’éducation.

Une phase de changement dynamique se déroula sur dix ans à partir de 1954, avec la décision de la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Brown v. Board of Education, qui transforma le principe d’une éducation ségréguée en entités « séparées mais égales ». L’éducation séparée n’a jamais apporté l’égalité. Dans tout le Sud, les conseils d’établissement et les assemblées législatives avaient pour consigne de fournir des opportunités égales d’enseignement par le biais de classes intégrées « avec toute la célérité voulue ». Toutefois, au lieu de participer à la solution, « toute la célérité voulue » est rapidement devenue « se hâter lentement », tandis que les plans de mise en conformité des États se déployaient à un rythme quasi paralysant.

Une résolution progressive reflétait la démarche générale de la National Association for the Advancement of Colored People (Association nationale pour la promotion des gens de couleur), qui réclamait le changement par le processus législatif et juridique. Comme les efforts en vue d’une réforme des droits civiques produisaient peu de résultats, l’atmosphère dans le Sud commença à se retourner contre cette approche modérée. Beaucoup, après avoir combattu dans une guerre mondiale pour les valeurs démocratiques et les libertés, trouvèrent difficile de tempérer leur souhait de démocratie dans leur propre pays. De même, avec l’accélération de l’urbanisation et de la migration vers des villes du Sud, les Afro-Américains cherchèrent à accéder à de meilleurs emplois, de meilleurs logements et des droits civiques fondamentaux.

Pendant la décennie qui suivit, le mouvement américain pour les droits civiques allait être inextricablement lié à l’histoire d’un homme qui, par son rôle crucial et ses paroles marquantes, contribua à mobiliser un peuple en quête d’égalité raciale.

De l’Arrière d’un Bus

La plupart des historiens donnent comme point de départ du mouvement moderne pour les droits civiques en Amérique le boycott des bus de Montgomery (Alabama) de 1955-1956. L’événement fut déclenché quand Rosa Parks, une passagère noire, refusa de laisser son siège à un homme blanc. Le boycott dura plus d’une année et prit fin quand la Cour suprême des États-Unis jugea que la loi sur la ségrégation dans les bus était anticonstitutionnelle. L’expérience de Montgomery apprit aux participants que l’action directe de masse produisait des résultats plus rapides que le seul processus de droit.

Le boycott des bus avait été dirigé par Martin Luther King, jeune pasteur de l’église baptiste de Dexter Street à Montgomery. Toutefois, le mouvement ne fut jamais monolithique, avec un seul leader ; en dépit de leurs divergences quant à la stratégie et aux dirigeants, différentes organisations se regroupèrent dans l’objectif commun d’accélérer la justice et de pousser le gouvernement fédéral à agir. Ils employèrent diverses méthodes d’action directe, telles que des boycotts, marches, « sit-ins », « Freedom Rides » (voyages de la liberté), ainsi que des projets d’éducation et d’inscription sur les listes électorales.

Lorsque la Southern Christian Leadership Conference (SCLC, Conférence des dirigeants chrétiens du Sud) fut créée, peu après le boycott, ses membres élurent King président. La SCLC était différente des autres organisations luttant en faveur des droits civiques ; ses responsables étaient des pasteurs afro-américains ordonnés, en poste dans tout le Sud, et sa campagne pour une réforme des droits civiques reposait sur l’institution sociale la plus stable de la culture afro-américaine : l’Église noire. Ceci allait s’avérer extrêmement important pour le mouvement, qui dut faire face au besoin immédiat de mobiliser les masses pour l’action directe. L’Église noire procurait pour les manifestations une réserve humaine organisée, grâce à son association avec la SCLC.

Toutefois, la motivation et l’inspiration pour agir venaient du langage de son président. King possédait des talents oratoires uniques et puissants, capables de mobiliser les foules comme jamais d’autres dirigeants de mouvements auparavant. Et il s’exprimait différemment des autres, c’est incontestable. Il incarnait la langue et la cadence du prêcheur noir et faisait appel à toute l’imagerie biblique. L’idée de se défaire des chaînes de la ségrégation trouvait son équivalent dans la délivrance de l’esclavage en Égypte pour les Hébreux. Lorsque King se tenait au sommet de la montagne proverbiale en examinant une terre promise libérée de l’amertume raciale, il était aux côtés de Moïse regardant au-delà du Jourdain la terre promise de Canaan.

King définissait la lutte comme une question morale nécessitant un changement de cœur et d’état d’esprit. Il proposait un langage basé sur la moralité biblique. Ainsi, les confrontations créées par les frontières raciales étaient transformées en une opposition morale nationale entre le bien et le mal.

« La discrimination raciale [...] est un cancer qui nous empêche de réaliser les sublimes principes de notre tradition judéo-chrétienne. Elle relègue la personne au rang de chose. »

Martin Luther King, traduit de « The Negro and The American Dream », 25 septembre 1960

Dans un discours de 1960 intitulé Le Nègre et le rêve américain, King affirmait que la principale raison d’éliminer la discrimination raciale de notre société était qu’elle est mauvaise sur le plan moral. Dans sa Lettre de la geôle de Birmingham, il affina son argument sur la genèse de l’analyse consacrée à la moralité : « Une loi juste est une prescription établie par l’homme en conformité avec la loi morale ou la loi de Dieu. » Invoquer la loi de Dieu dans la discussion apporta un sens plus profond au discours et attisa les passions des partisans croyants.

Les discours de King étaient en partie des sermons, et ses sermons étaient souvent des discours évoquant les libertés longtemps refusées et les droits fondamentaux à la citoyenneté, à l’autodétermination et à la dignité humaine. Qu’il s’agisse d’un appel général à mettre fin à la ségrégation ou d’un discours plus ciblé sur des questions voisines, les thèmes bibliques revenaient fréquemment. Par exemple, la loi morale de l’univers s’appuie sur la loi de Dieu, qui va plus loin que la loi humaine ; le souci de l’autre et la non-violence envers autrui dominent la tactique du mouvement des droits civiques, fondé sur l’enseignement d’amour de Christ ; délivrer aujourd’hui la personne noire des pratiques ségrégationnistes annonce la délivrance future de toute l’humanité dans la paix.

Ce langage rencontrait un écho familier chez de nombreux participants au mouvement, en particulier ceux qui dépendaient de la SCLC ; après tout, les pasteurs de l’Église étaient des dirigeants de la communauté noire. Ainsi, inspirés par le langage et assoiffés de libertés, les pratiquants devinrent les premiers fantassins.

Dans le langage de King, les thèmes bibliques furent présents dès le début. En 1955, lorsque l’appel au boycott des bus de Montgomery fut lancé, les organisateurs annoncèrent un grand meeting à l’église baptiste de Holt Street. À l’improviste, ils demandèrent à King de s’adresser aux milliers de personnes rassemblées. Mais il était nerveux : « Comment pourrais-je faire un discours suffisamment militant pour pousser mon peuple à une action positive, mais en même temps suffisamment modéré pour que la ferveur de la foule demeure dans les limites où elle resterait maîtrisable et chrétienne ? Je savais bien des Noirs en proie à une rancœur qui pourrait facilement leur faire dépasser les bornes. Que pourrais-je dire pour entretenir leur courage et les préparer à une action positive tout en les empêchant de se laisser aller à la haine et au ressentiment ? L’attitude militante et l’incitation à la modération pouvaient-elles se combiner en un seul discours ? »

« La violence est immorale parce qu’elle prospère sur la haine plutôt que sur l’amour. Elle détruit les communautés et rend l’amour fraternel impossible. »

Martin Luther King, Conférence pour le Nobel, 11 décembre 1964 (Oslo)

King décida d’en appeler à la foi chrétienne afro-américaine : « Je veux vous dire que nous ne sommes pas ici pour préconiser la violence. Nous ne l’avons jamais fait. Je veux faire savoir dans tout Montgomery et dans tout ce pays que nous sommes des chrétiens. Nous croyons en la religion chrétienne. Nous croyons aux enseignements de Jésus. »

Le changement par l’action directe supposait une confrontation. Cependant, une confrontation basée sur la loi du talion, œil pour œil, rend tout le monde aveugle. Pour répondre à la violence, il existait une méthode meilleure que toujours plus de violence.

Parler la Non-Violence

On a beaucoup écrit sur l’origine de la non-violence et sur son application au mouvement pour les droits civiques. L’exemple du Mahatma Gandhi et les écrits de Walter Rauschenbusch, Reinhold Niebuhr et d’autres ont influencé nombre de dirigeants de mouvements, dont Martin Luther King. Mais pour lui, l’adoption de cette stratégie a un sens plus profond : « J’ai fini par comprendre [...] que la doctrine d’amour chrétienne qui s’appliquait dans la méthode non-violente de Gandhi était l’une des armes les plus puissantes dont les peuples opprimés disposaient dans leur combat pour la liberté. »

Les doctrines de l’Église noire, enseignées depuis longtemps, fournirent les bases de la doctrine non-violente transmise aux Noirs à Montgomery. Les Noirs pratiquants connaissaient bien les passages de la Bible dans lesquels l’amour de Christ triomphe de la haine et selon lesquels chacun doit aimer tout le monde, y compris les oppresseurs.

Dans son livre Combats pour la liberté, qui raconte le boycott des bus de Montgomery, King décrit la manifestation comme la chronique de 50 000 Noirs qui ont pris à cœur les principes de la non-violence et ont appris à se battre pour leurs droits avec l’amour comme arme.

King ne diffusait pas seulement des paroles, il donnait l’exemple. Pendant les événements de Montgomery, une bombe explosa chez lui. Tandis que se rassemblait une foule en colère, King demanda à tous de ne pas paniquer. Il les calma avec les mots du Nouveau Testament, leur rappelant que « celui qui vit par l’épée périra par l’épée » (Matthieu 26 : 52, paraphrasé). Il aurait ajouté : « Nous voulons aimer nos ennemis. Je veux que vous aimiez nos ennemis. […] Aimez-les et faites-leur savoir que vous les aimez. »

« Vous affirmez que nos actions, bien que pacifiques, doivent être condamnées car elles précipitent la violence. [...] Cela ne revient-il pas à condamner Jésus, sous prétexte que son souci sans pareil de Dieu et sa soumission incessante à la volonté [du Père] ont précipité le geste pervers de ceux qui l’ont crucifié ? »

Martin Luther King, « Lettre de la Geôle de Birmingham », avril 1963

Le label de non-violence de King visait non seulement à éviter l’agressivité physique contre les autres, mais aussi celle qui se passe à l’intérieur : un esprit violent. Dans un article pour le magazine Christian Century, il déclarait : « En luttant pour la dignité humaine les peuples opprimés du monde entier doivent s’interdire de tomber dans l’amertume ou de se laisser aller à des campagnes de haine. Répliquer par la haine et l’amertume ne peut qu’intensifier la haine dans le monde. »

Il poursuivait ainsi : « Quand nous aimons d’agape [terme grec pour “l’amour selon Dieu”], nous aimons les hommes non parce qu’ils nous plaisent, ni que nous sommes séduits par leurs attitudes et leurs manières, mais parce que Dieu les aime. Nous nous élevons ici à la hauteur de celui qui aime l’auteur d’une mauvaise action tout en haïssant son méfait. »

Prendre de l’Ampleur

Après le succès obtenu à Montgomery, le mouvement pour les droits civiques s’étendit à tout le Sud. Plusieurs grandes étapes et situations permirent d’amplifier les efforts des groupes qui luttaient pour mettre fin à toutes formes de ségrégation et de haine raciale.

En 1960, quatre étudiants noirs captèrent l’attention du pays en s’asseyant au comptoir d’un restaurant réservé aux Blancs à Greensboro, en Caroline du Nord. Ils furent à l’origine de « sit-ins » (s’asseoir à l’intérieur) qui contribuèrent à la naissance du Student Nonviolent Coordinating Committee (Comité de coordination non-violent des étudiants). Les sit-ins donnèrent un nouveau souffle au mouvement et furent le point de départ d’un activisme de masse soutenu.

En 1961, le Congress of Racial Equality (Congrès pour l’égalité raciale) lança des Freedom Rides dans les bus inter-États entre Washington D.C. et Jackson, au Mississippi, afin d’attirer l’attention sur la ségrégation illégale dans les services et établissements qui jalonnaient le trajet. À chaque vague successive d’actions non violentes, ils éveillaient l’intérêt sur la honte du pays.

La Campagne de Birmingham de 1963 est souvent considérée comme le moment où le mouvement a basculé. Birmingham était l’une des villes du Sud où l’oppression et les divisions raciales étaient les plus marquées. La brutalité n’y était pas rare. Le mouvement pour les droits civiques était mis à rude épreuve en l’absence d’une action du Congrès qui instituerait un changement durable et significatif. Une campagne de boycotts économiques était prévue à Birmingham pour renforcer la visibilité des situations répressives. Les événements de Birmingham affectèrent considérablement la conscience nationale grâce aux images diffusées sur les écrans de télévision du pays, qui montraient des hommes, femmes et enfants manifestant pacifiquement, puis attaqués par des chiens policiers et arrosés au moyen de lances à incendie à haute pression.

King fut arrêté et emprisonné. Pendant son incarcération, il rédigea la Lettre de la geôle de Birmingham en réponse aux huit dirigeants religieux blancs qui critiquaient le processus de contestation. King y argumenta en faveur de « la voie de l’excellence, celle de l’amour et de la protestation non violente », ajoutant : « Je remercie Dieu d’avoir introduit, grâce à l’Église noire, un nouvel élément, celui de la non-violence, dans notre combat. »

« Il existe trois mots pour désigner l’amour en grec. [...] Dans agape, il y a une bonne volonté compréhensive, créatrice, rédemptrice envers tous les hommes. Les théologiens de la Bible y verraient l’amour de Dieu à l’œuvre dans l’esprit des hommes. C’est un flot d’amour qui n’attend rien en retour. »

Martin Luther King, traduit de « The Power of Nonviolence », 4 juin 1957

Il cita Matthieu 5 : 44, qui explique l’application de la loi morale de Dieu et comment nous devons traiter autrui : « Jésus n’était-il pas un extrémiste de l’amour – “Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous traitent avec mépris” ? », demandait King. Cette exigence est élevée, mais elle brise le cycle de la haine.

Avoir un Pays Meilleur

En 1963, King prononça son discours le plus connu, Je fais un rêve, pendant la marche de Washington organisée en partie pour inciter le Congrès à approuver le projet de loi sur les droits civiques de John F. Kennedy. Énumérant les maux de la ségrégation dans une allocation au peuple américain, Kennedy avait dit : « Nous leur devons [et] nous nous devons d’avoir un meilleur pays que cela. »

Le discours de King bouleversa le pays et fit découvrir à beaucoup les rythmes moraux du prêche noir. La conscience de groupe, non seulement celle des plus de 200 000 personnes présentes, mais aussi celle d’une grande partie de l’Amérique, était rassemblée autour du changement. Il proclama que les mots de la Déclaration d’Indépendance et de la Constitution des États-Unis constituaient un chèque en faveur de tous les peuples de la nation. Mais ce chèque était revenu avec, au dos, la mention « Provisions insuffisantes ». Promesse non tenue !

King poursuivit en décrivant plusieurs « rêves » émouvants qu’il avait faits pour l’Amérique. Chacun signifiait l’abolition de barrières, grâce à laquelle toute l’humanité vivrait dans une société pacifiée et exempte de toute discrimination raciale.

Le rêve dont on se souvient le moins est peut-être la référence au livre d’Ésaïe de l’Ancien Testament. King déclara : « Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissées, tout éperon deviendra une plaine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois. » (voir Ésaïe 40 : 4–5). Cette Écriture est une référence prophétique qui va au-delà du présent, jusqu’à un temps où toute l’humanité vivra en paix au royaume de Dieu. Le thème de King était double, associant la délivrance des maux d’une société ségrégationniste et la libération ultime de toute l’humanité.

Réaliser le Rêve

La loi sur les droits civiques fut signée le 2 juillet 1964, et en décembre, le prix Nobel de la paix fut décerné à King. En acceptant cette récompense, il déclara qu’à l’avenir, la paix serait une réalité universelle : « Un jour viendra où l’humanité s’inclinera devant les autels de Dieu pour recevoir la couronne de la victoire sur la guerre et l’effusion de sang, et où la bonne volonté animée par la non-violence rédemptrice dictera la loi sur la Terre. »

Dans son dernier discours à la réunion annuelle de la Southern Christian Leadership Conference, King conseilla aux participants de ne pas se satisfaire du statu quo tant que tous les vestiges de l’inégalité raciale, notamment en termes de pauvreté, de logement et de sécurité, n’auraient pas disparu. Mais sa déclaration, une fois de plus, allait au-delà de la libération actuelle d’une ségrégation pour englober aussi la délivrance future : « Nous ne serons pas satisfaits tant que le lion et l’agneau n’habiteront pas ensemble, tant que chaque homme ne s’assiéra pas sous son propre figuier ou sous sa propre vigne et que nul ne sera plus en proie à la crainte. Nous ne serons pas satisfaits tant que les hommes ne reconnaîtront pas que Dieu les a faits du même sang pour qu’ils vivent ensemble sur la surface de la terre. Nous ne serons pas satisfaits tant que ne viendra pas le jour où personne ne criera plus : “Le pouvoir aux Blancs”, où personne ne criera plus : “Le pouvoir aux Noirs” – mais où tous parleront de la puissance de Dieu et du pouvoir de l’humanité. »

Les remarques de King sur les animaux habitant ensemble et sur les peuples vivant en paix sur leur propre terre viennent également de la Bible (Ésaïe 11 : 6 ; Michée 4 : 4). Ces deux allusions décrivent la délivrance suprême à venir.

Bien que noble dans l’effort et l’intention, le changement de société prévu par la loi sur les droits civiques était et reste incomplet. En étudiant le paysage mondial, nous constatons que la société n’est pas encore exempte de toute discrimination raciale. Les tensions entre races existent toujours et la ségrégation de fait dans les opportunités de travail et de logement est une réalité pour beaucoup. L’homme lutte encore pour bien traiter tous ses semblables.

Un accomplissement à l’échelle imaginée par Martin Luther King nécessite davantage que des lois ou du militantisme. Il faut un changement d’attitude, d’état d’esprit. Il faut une véritable compréhension de la source et une signification plus profonde du langage utilisé dans le mouvement pour les droits civiques ; il nous faut comprendre comment nous sommes censés regarder nos semblables et comment une véritable délivrance viendra pour toute l’humanité.

La loi morale, que nous appelons les Dix Commandements, guide notre interaction avec Dieu et les uns avec les autres. Christ a non seulement expliqué, mais illustré la loi qui prescrit d’intégrer et de manifester notre préoccupation des autres ; il s’est aussi fait l’écho des prophètes et a mis en avant le futur royaume de Dieu, un temps où tous connaîtront la véritable paix. C’est alors que les rêves et le langage de Martin Luther King trouveront leur accomplissement suprême.